vendredi 29 novembre 2013

Depuis quelques jours je ne peux pas regarder la télé sans entendre les journalistes parler du cancer de Dominique Bertinotti, ministre de la famille, elle a voulu annoncer qu'elle avait été soignée pour un cancer du sein et les médias se sont emparés de ses révélations pour en faire des tonnes.
Hier soir c'était au "Grand journal" sur Canal, là c'était une anonyme qui venait en parler, une journaliste de Libé je crois, elle en parlait d'une façon émouvante mais très simplement, je me suis davantage reconnue dans ses réponses. J'ai eu beaucoup de mal à comprendre Dominique Bertinotti, comment a t-elle fait pour continuer à travailler, à assumer sa charge?
Une chimio est très difficile à supporter, comme disait la journaliste "Trois marches à monter, c'est l'Everest." ça pendant 10 jours après la chimio. Tout le monde ne réagit pas de la même façon. J'ai eu des séances très lourdes parce que mon organisme supportait, mes analyses de sang étaient presque bonnes, ils chargeaient au maximum et je vous assure qu'il m'aurait été impossible d'aller bosser si j'avais dû le faire.
Il y a donc des chimios différentes et raconter sa maladie n'est pas significatif pour celles qui vont subir le traitement, on ne peut pas faire croire que la vie va continuer comme avant pendant les mois qui suivent l'opération si nous ne sommes pas aidés.
La ministre disait qu'elle n'avait pas voulu faire la révélation de sa maladie parce qu'elle ne voulait pas provoquer la compassion, là aussi chacun réagit différemment.

J'ai eu deux cancers, le premier m'est tombé dessus en une journée, disons que je n'ai pas eu le temps d'avoir peur. Le deuxième j'avais le temps d'y penser, mais j'avais décidé qu'il ne serait pas au centre de ma vie, c'était pourtant le plus méchant.

Personnellement, j'ai trouvé qu'en parler otait toute ambiguïté. Je n'étais pas atteinte par une maladie honteuse. J'ai une copine de scrabble, pas en Bretagne, qui se bat depuis des mois contre un très méchant cancer, je l'ai vue dernièrement et elle me disait "Marie-Claire si j'avais pu écrire comme tu l'as fait, ça m'aurait fait du bien, mais je ne sais pas." Je le faisais naturellement parce que c'est ma nature, à aucun moment je ne me suis souciée de ce que les gens pensaient, les gens n'étaient pas à ma place.

La maladie nous change, énormément, dans un sens ou dans un autre, on peut devenir taciturne, anxieux, mais on peut aussi décider que la vie est belle, que ça vaut le coup de se battre et profiter de ce qu'elle nous offre. Elle nous change aussi dans notre rapport avec les autres, on baigne dans un espèce de détachement, c'est très dur de dire ça mais c'est la vérité, plus rien ne nous semble grave, je n'ai plus ces indignations, ces coups de colère, je suis très conciliante, je ne dis pas "amen" à tout mais je me rebelle moins, beaucoup moins, oui c'est ça un peu détachée de ce qui se passe autour de moi.  Je crois vraiment que notre corps met en place une sorte de protection malgré nous, condition première pour guérir, ne pas s'angoisser. Les médecins nous disent tous "Pensez à vous, c'est le plus important pour guérir." mais ils rajoutent aussi "On parle de guérison après cinq ou six ans" Là dessus, ils sont très francs lorsqu'ils savent que vous pouvez entendre.

Moralement nous ne guérissons jamais de cette maladie, elle est toujours là dans un coin de notre tête, la moindre douleur inhabituelle nous y pensons,  nos organes sont toujours silencieux tant qu'ils ne sont pas attaqués, la douleur disparaît, nous oublions. Nous savons très bien qu'il y a peut être une vilaine cellule qui attend son heure, mais nous savons aussi qu'elles ont pu aussi être complètement éradiquées par la chimio et la radiothérapie, ce qui donne l'ESPOIR, indispensable pour continuer à rire, à profiter de la vie, aimer ceux qui sont autour de nous, dans la mesure où le corps suit, nous pouvons être très fatigués certains jours, je vous assure que ça vaut le coup de se battre.

Il y a juste une chose que je voudrais rajouter, ça été un peu mon erreur, ne pas vouloir paraître plus forte que l'on est vraiment, ne pas vouloir pleurer, ne pas avoir peur de confier ses angoisses pour ne pas affoler ses enfants, sa famille, protéger les autres alors que c'est nous qui souffrons. Christian supportait tout, il aurait fallu que je partage, mais nous avons toujours appris à ne partager que les bonnes choses, le savoir vivre veut que nous gardions pour nous nos soucis, ne pas embêter les autres, il faut juste reconnaître les bonnes personnes qui sauront écouter et là ce n'est pas facile. 

Chacun aura son témoignage, c'est le mien.


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